Intervention Solidaires conférence de financement retraite du 21 octobre 2024 Assemblée nationale

Mesdames, Messieurs les parlementaires, l’Union syndicale Solidaires vous remercie pour l’organisation de cette conférence sur le financement des retraites. Cela fait plus de 2 ans que l’on demande une conférence sur le financement des retraites au gouvernement et que notre appel n’a pas été entendu.

En préalable, la sécurité sociale, avancée sociale majeure du 20ème siècle, est une richesse nationale et collective majeure. Celle-ci ne cesse d’être attaquée par les gouvernements et le patronat depuis sa création. En 1967 déjà, nous avions eu droit à la séparation en branches de la caisse de sécurité sociale. C’est important de le préciser ici car c’est bien la séparation en branches qui a permis de créer entre les branches des excédents et déficits alors que la globalité indique que la sécurité sociale n’est en rien dans une situation catastrophique d’autant plus si l’on y inclut les excédents de l’UNEDIC et s’agissant du seul volant retraites en mobilisant les fonds du FRR (fonds de réserves retraites dont les actifs en 2021 étaient de 27 milliards). L’Union syndicale Solidaires réclame à titre liminaire la réunification au sein d’une même caisse englobant également l’assurance chômage.

L’Union syndicale Solidaires tient aussi à rappeler que si la réforme Juppé n’était pas passée dans sa globalité en 1995, nous ne serions certainement pas là en train de discuter de questions de financement de la sécurité sociale. En effet, nous n’aurions pas de PLFSS et le financement devrait faire l’objet de discussions entre représentant-es élu-es des travailleurs-ses aux caisses de sécurité sociales dont les syndicats de travailleur-ses : l’Union syndicale Solidaires revendique l’abrogation du principe du PLFSS qui a ôté la maîtrise de l’outil de la protection sociale à ses principaux bénéficiaires, les travailleurs et travailleuses de ce pays.

Mais puisque l’on parle de financement et que le PLFSS est malheureusement bien une réalité, voyons tout d’abord quelle retraite financer. Il est pour nous important d’assurer un niveau de vie digne et décents aux retraité·es dont 10% vivent sous le seuil de pauvreté. Le système par répartition, basé sur la solidarité intergénérationnelle, un choix heureux de société que nous devons assumer collectivement, y compris dans son financement, à l’opposé des solutions par capitalisations de part les risques qu’elles comportent et les inégalités qu’elles créent.

Avant d’aller plus loin sur le financement, je voudrais rappeler que les observations du COR ont été souvent démenties par le passé, des déficits prévisibles se transformant en excédents certains. Mais aussi celui-ci retient des hypothèses de croissance et de taux de chômage discutables, sans compter les soldes migratoires. D’autres hypothèses tout aussi envisageables créeraient des situations excédentaires.

Surtout la sécurité sociale reposant en grande partie (et c’est heureux) sur la cotisation sociale notamment assise sur la masse salariale, il évident qu’en adoptant une politique de l’emploi bien plus volontariste assise sur la réduction du temps de travail comme la satisfaction des besoins écologiques et sociaux et notamment les besoins des services publics comme celui de la santé évoqués par nos prédécesseurs permettrait de réduire la charge des dépenses du chômage tout en alimentant celles des retraites et des autres caisses sociales. Tout étant lié, voilà bien pourquoi il est indispensable de tout lier dans une caisse unique. Par ailleurs, la cotisation ne doit pas reposer uniquement sur les entreprises dont la masse salariale se réduit et/ou est peu importante (évolutions technologiques, réduction volontaire du personnel) : une réflexion sur la cotisation en partie assise sur la valeur ajoutée, c’est à dire avant répartition primaire entre salaires et profits, doit pouvoir être engagée.

Comme cela a déjà été dit par mes collègues représentant les syndicats de salarié·es, augmenter sensiblement les salaires des travailleuses et des travailleurs actuellement dans l’emploi augmentera les cotisations. Ainsi du point d’indice des fonctionnaires pour le côté public.

Réalisons enfin :

  • l’égalité salariale femme/homme qui selon les calculs de la CNAV en 2010 l’a privé à l’époque de 14 milliards d’euros
  • les conditions d’un taux d’emploi des femmes égal à celui des hommes qui ferait (chiffrage CGT) 1,5 million de cotisantes en plus soit 6 milliards de cotisations retraites !
  • la fin des temps partiels imposés par les employeurs par une surcotisation pesant sur ces derniers, ce qui permettrait de rapporter 1,5 milliards supplémentaires.

Il y donc ainsi quelques milliards voire même plus d’une dizaine à récupérer et qui feront que les prévisions alarmantes (mais pas tant que ça) du COR seront oubliées.

Un autre axe doit être la revue de l’ensemble des exonérations de cotisations dont profitent les employeurs et qui ne sont en grande partie d’aucune utilité sociale et économique. Voire sont des incitations à ne pas augmenter les salaires. Ce sont 80 milliards d’euros qui chaque année ne rentrent pas dans les caisses de sécurité sociale. A supposer que le cinquième d’entre elles seraient à revoir, cela ferait déjà 16 milliards d’euros soit l’équivalent du déficit prévu de la sécurité sociale pour cette année.

Sur le volant retraite, quand allons-nous enfin augmenter la cotisation sociale des employeurs ? Selon les travaux menés par l’économiste Michael Zemmour, 0,8 % d’augmentation rapporterait 12 milliards d’euros en 2027. Et sans parler des dividendes dont la participation aux caisses sociales est indispensable alors qu’il n’y en a jamais autant eu de versés, plus de 60 milliards d’euros. 12 milliards d’euros représenterait un taux de cotisation de 20 %.

Luttons par ailleurs réellement contre la fraude sociale alors que le récent rapport du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale l’évalue à 13 milliards d’euros par an et que les 2/3 sont du fait des médecins et du patronat. Il y a une grande marge de progression dans la constatation et le recouvrement, nécessitant entre autres le recrutement de personnel, là aussi il y a donc quelques milliards d’euros à faire rentrer dans les caisses…

L’Union syndicale Solidaires exige donc l’annulation de la précédente réforme et par delà nous revendiquons le retour à 60 ans d’âge légal de départ à la retraite avec 37,5 années de cotisation et à taux plein (et 5 ans de départ anticipé sur cet âge légal pour pénibilité). Ce ne serait que justice alors que les études démontrent que 64 marque la limite moyenne d’espérance de vie en bonne santé, et que l’espérance de vie stagne voire commence à diminuer. Son financement qui nécessite la mobilisation de plusieurs points de PIB est possible. Les pistes pour y parvenir viennent d’être évoquées. Ajoutons que ce seront déjà autant de chômeurs et chômeuses en moins et d’emploi en plus sachant que 9 retraité∙es sur 10 sont remplacées par des « jeunes ». Et des dépenses maladie ou accident de travail en moins sachant que la tranche d’âge 60/64 ans est nettement plus accidentogène. Rappelons que cela fait plus de 40 ans que la part des salaires dans la richesse nationale ne cesse de se dégrader.

C’est bien de cela dont il s’agit : de savoir de quelle société nous voulons. La retraite et son financement est à ce titre un enjeu éclairant sur l’évolution de la société. Si nous souhaitons une société digne et apaisée, plus équilibrée, il nous faut partager entre toutes et tous les richesses produites.

Nous y sommes prêt·es.

Nous pouvons collectivement créer les conditions nécessaires pour abroger la réforme des retraites à 64 ans, massivement rejetée par la population comme on l’a vu sur les 6 mois de mobilisations en 2023, en créant des financements durables et qui ne mettent pas en danger le système des retraites par répartition…

Il s’agit d’un choix politique et non d’une utopie.

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